« L’écriture, c’est bien sûr l’acte d’écrire, le sang de certains textes — là que nous y sommes plus naturellement attirés et rendus attentifs. Mais cela ne demeure que l’une de ses existences. Car l’écriture est fondations. Elle est l’étoile, la poussière en suspension dans un grenier de soleil. Elle est la clef des salles oubliées du langage, là, à sous-tendre nos paysages et nous livrer à eux. L’écriture traverse le pinceau du peintre, les doigts du musicien, le mouvement de la danseuse, les préparatifs du cuisinier. Elle est le chant de l’homme, et est l’homme qui a froid et qu’un regard ou une lampe réchauffe. La course folle d’un enfant dans son jardin. Elle est le papier peint décollé jouant avec son ombre, l’indicible d’un étang. L’envolée des larmes et le pétale détaché imprimant son visage dans le sol. L’écriture est un regard, un instant. De ces rencontres où se fait rencontre. L’écriture est la nudité, la nuit et la lumière passant comme un ciel sur la peau d’une eau calme. Elle est dans des chutes, des victoires ou des cailloux. Elle est un arbre, est la cendre, est la pousse sous la neige, la braise sous le feu de mémoire. L’écriture est la fidélité patiente qui fait courbe dans l’espace et le temps. La main qui vient éponger le front fiévreux. La longue veille. La ride à la surface du bassin, de la main, du sourire. La patine et le silence. Elle est des rires autour d’une table, les parfums de la terre et le jus du fruit sur le menton de l’été. L’écriture est au coeur cristallin de la flamme qui vacille. Au coeur du tendre, sur les épaules qui font passer la rivière. L’écriture est la mort aussi et puis nous, toujours. »
Cédric Migard