Le récit

Le caractère du récit n’est nullement pressenti, quand on voit en lui la relation vraie d’un événement exceptionnel, qui a lieu et qu’on essaierait de rapporter. Le récit n’est pas la relation de l’événement, mais cet événement même, l’approche de cet événement, le lieu où celui-ci est appelé à se produire, événement encore à venir et par la puissance attirante duquel le récit peut espérer, lui aussi, se réaliser.

C’est là un rapport très délicat, sans doute une sorte d’extravagance, mais elle est la loi secrète du récit. Le récit est mouvement vers un point, non seulement inconnu, ignoré, étranger, mais tel qu’il ne semble avoir, par avance et en dehors de ce mouvement, aucune sorte de réalité, si impérieux cependant que c’est de lui seul que le récit tire son  attrait, de telle manière qu’il ne peut même “commencer” avant de l’avoir atteint, mais cependant c’est seulement le récit et le mouvement imprévisible du récit qui fournissent l’espace où le point devient réel, puissant et attirant.

Ulysse (..) sera tout, s’il maintient une limite et cet intervalle entre le réel et l’imaginaire que précisément le Chant des Sirènes l’invite à parcourir. (..).

Le récit a pour progresser cet autre temps, cette autre navigation qui est le passage du chant réel au chant imaginaire, ce mouvement qui fait que le chant réel devient peu à peu le temps de la métamorphose (..)

Le temps propre du récit (..) est le temps des métamorphoses.

 Maurice Blanchot

Cet article a été publié dans Extraits, Théorie. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire