« Je n’écris pas pour m’exprimer, vider mon sac, mais plutôt pour ingérer, m’approprier le monde, mieux le goûter et m’y ancrer. Sans doute, comme tout un chacun, ai-je cherché à travers le stylo ou le clavier à régler quelques problèmes avec moi-même, mais cet aspect cathartique de la création ne m’intéresse pas beaucoup. Je crois en revanche que la poésie, en réveillant notre sensibilité par des images justes, réveille aussi notre langage et notre présence au monde. Lire de la poésie ou en écrire, c’est d’une certaine façon reprendre pied sur Terre. Aiguiser son appétit, mais aussi affûter son regard et augmenter son « être là ». Se reconnecter à ce que je nomme « l’obscur vertige des vivants », qui recouvre, au-delà de toute religion, notre condition métaphysique, notre vertige ontologique, notre vérité d’humains solitaires et solidaires. En ce sens, oui, la poésie nous sauve de cet univers de la réduction, du cliché, de l’euphémisme, du futile et du mensonge par omission où voudrait nous enfermer la frénésie « merdiatique » et l’idéologie consumériste. »
Michel Baglin (en entretien avec Pierre Kobel)