« Le fait est que la poésie ce n’est pas des livres dans une bibliothèque… La poésie c’est la rencontre du lecteur avec le livre, la découverte du livre.
Il y a une autre expérience esthétique, c’est le moment, très étrange aussi, où le poète conçoit l’oeuvre, où il découvre ou invente l’oeuvre. En latin, comme on sait, les mots inventer et découvrir sont synonymes. Tout cela concorde avec la doctrine platonicienne qui dit qu’inventer, que découvrir, c’est se souvenir. Francis Bacon ajoute que si apprendre c’est se souvenir, ignorer c’est savoir oublier : tout est déjà là, il nous faut simplement le voir.
Quand j’écris quelque chose, j’ai la sensation que ce quelque chose préexiste… Je découvre peu à peu les parties intermédiaires, je n’ai pas l’impression qu’elles dépendent de mon libre arbitre : les choses sont ainsi. Elles sont ainsi, mais elles sont cachées et mon devoir de poète est de les découvrir. Bradley dit qu’un des effets de la poésie devrait être de nous donner l’impression non pas de trouver quelque chose de nouveau mais de nous rappeler quelque chose d’oublié. »
Jorge Luis Borges