L’étrave

« L’étrave du poème, de mes yeux,

du temps des rues donnant sur le soleil levant.

L’étrave fend cette vague et cette autre,

levée des graines flammèches de la joie.

Les tiges du jour croissent, se prennent les mains me prennent les mains.

La mousse à raser des feuilles sur mon menton, le coupe-chou d’un talus de mots ;

sous la barbe je retrouve ma gueule d’enfant prolongée de quelques cicatrices.

Ça y est, les enfants que j’étais n’arrêtent plus de se lancer le ballon du rire

dans la cour où le soir tombe déjà.

Le rire justement,

remonté de loin, de rien,

pluie inverse, élévation d’eaux cristallines.

Toutes mes eaux dans ce rire arrosent un jardin d’étoiles.

L’horizon me connaît mais ne m’attend pas;

qui attendre alors qu’ils sont déjà tous là,

tous ces moi qui n’ont plus qu’à rassembler un peu de bois,

faire un feu sur la colline, s’asseoir autour cercle de visages conjugués par la lueur,

cuire au bout d’une branche écorcée

le lapin attrapé en rêve la veille de leur naissance,

se raconter l’histoire du roi qui avait trois fils,

se donner des nouvelles.

J’étais les trois fils, et le roi qui avait perdu le sommeil à cause du bonheur d’attendre leur retour.

Il était une fois un regard brillant dans les salles obscures d’un palais de vent,

fenêtre parmi les fenêtres,

veilleur de présent,

il était une fois l’étrave du poème, de mes yeux,

du temps des rues donnant sur le soleil levant. »

Cédric Migard

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