« On marchait
Tout au fond de soi
Dans la tiédeur du vent
Il ne faisait pas tout à fait nuit
Les cloches appelaient depuis d’inaccessibles hameaux
Cachés par les boursoufflures de la terre et du ciel
La soif était commune aux hommes
Aux pierres
Mais, comme elles, très dure leçon, il ne fallait rien exiger
Se préparer, se déprendre
Attendre qu’un ruisseau retrouve plaisir à se promener en notre compagnie
On passait par cette chambre fraîche où une mère faisait la sieste
On s’étonnait avec le temps de cette fragilité de morte, elle qui eut le pouvoir d’enfanter
On passait par cette autre chambre, noire, rougeoyante d’une lampe inactinique
Où la tendresse jardinière d’un père se développait sur papier photosensible
On marchait dans des préhistoires
Des récits à délivrer de leurs pièges à loup
Des sentiments étouffés, des mystères aux sortilèges d’angoisse
On débouchait parfois d’un buisson
On s’apparaissait à soi-même au détour d’un sentier
On se pacifiait
Comme à l’heure de midi
Quand à l’ombre des talus
Laissant paître son troupeau
Une parole en sa clarté
Offrait de partager
Un quignon de pain
Avec le voyageur égaré. »
Cédric Migard