« Je n’écris pas pour quelques-uns retirés sous la lampe
Ni pour les habitués d’une cité lacustre
Pour l’écolier attentif à son coeur
Non plus pour cet enfant paresseux qui sommeille
Entre mes bras depuis cent ans
Mais pour cet homme qui dépassé par l’orage
N’entend pas la rumeur terrestre de son sang
Ni l’herbe le flatter doucement au visage
J’écris pour divulguer ce qui vient des saisons
La neige pure, une main
Et le pollen éparpillé sur les gazons
L’agneau qui fait le calme des montagnes
J’écris pour dépasser la crue noire du temps
Tandis que les oiseaux et les fleurs me précèdent
A cette auberge au bord du ciel
Où les passants trouvent des couches étoilées
Et des vaisselles pleines de fruits
Et des soleils encourageants
Mais reste au fond de moi le plus clair de ma vie
Qui ne supporte pas le poids de la parole
Ces mots d’amour qui ne seront jamais écrits
Et la lumière de mon coeur toujours plus haute
Aveuglante comme une poignée de sel gris. »
René Guy Cadou
Je trouve que René Guy Cadou aurait dû intituler ce texte : « Les secrets de MON écriture » et non « Les secrets de L’écriture ».
Je suis d’accord avec Suzanne ; mais au delà des mots écrits, il y a les mots qui résonnent en moi, et ceux-là résonnent et raisonnent en moi. Claude
Modificatif : lire : Je suis d’accord avec Suzanne ; mais ces mots écrits par René Guy Cadou résonnent et raisonnent en moi. C’est plus clair ?
Toute parole singulière, de par sa singularité même, et cela concerne à mon sens ce texte, tend à rejoindre l’universel, à dire quelque chose de notre humanité commune, de notre rapport essentiel au monde. Il n’y a plus un auteur qui transmet un message, un objet, à un lecteur, spectateur passif et extérieur, mais seulement cette parole, cette écriture au creuset de laquelle auteur et lecteur se confondent avec l’expérience du texte.