Les secrets de l’écriture

« Je n’écris pas pour quelques-uns retirés sous la lampe

Ni pour les habitués d’une cité lacustre

Pour l’écolier attentif à son coeur

Non plus pour cet enfant paresseux qui sommeille

Entre mes bras depuis cent ans

Mais pour cet homme qui dépassé par l’orage

N’entend pas la rumeur terrestre de son sang

Ni l’herbe le flatter doucement au visage

J’écris pour divulguer ce qui vient des saisons

La neige pure, une main

Et le pollen éparpillé sur les gazons

L’agneau qui fait le calme des montagnes

J’écris pour dépasser la crue noire du temps

Tandis que les oiseaux et les fleurs me précèdent

A cette auberge au bord du ciel

Où les passants trouvent des couches étoilées

Et des vaisselles pleines de fruits

Et des soleils encourageants

Mais reste au fond de moi le plus clair de ma vie

Qui ne supporte pas le poids de la parole

Ces mots d’amour qui ne seront jamais écrits

Et la lumière de mon coeur toujours plus haute

Aveuglante comme une poignée de sel gris. »

René Guy Cadou

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4 Responses to Les secrets de l’écriture

  1. Avatar de Suzanne Suzanne dit :

    Je trouve que René Guy Cadou aurait dû intituler ce texte : « Les secrets de MON écriture » et non « Les secrets de L’écriture ».

  2. Avatar de claude muslin claude muslin dit :

    Je suis d’accord avec Suzanne ; mais au delà des mots écrits, il y a les mots qui résonnent en moi, et ceux-là résonnent et raisonnent en moi. Claude

  3. Avatar de claude muslin claude muslin dit :

    Modificatif : lire : Je suis d’accord avec Suzanne ; mais ces mots écrits par René Guy Cadou résonnent et raisonnent en moi. C’est plus clair ?

  4. Avatar de ecrivanture ecrivanture dit :

    Toute parole singulière, de par sa singularité même, et cela concerne à mon sens ce texte, tend à rejoindre l’universel, à dire quelque chose de notre humanité commune, de notre rapport essentiel au monde. Il n’y a plus un auteur qui transmet un message, un objet, à un lecteur, spectateur passif et extérieur, mais seulement cette parole, cette écriture au creuset de laquelle auteur et lecteur se confondent avec l’expérience du texte.

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