Un sauveur sans illusion

« Jamais société n’a eu autant besoin de ses poètes, cette société qui fonde ses pouvoirs sur la conviction lancinante et omniprésente de l’image médiatique, drogue destinée à faire passer un développement technologique et des idéologies irresponsables. Les questions essentielles de notre nature et de notre destinée ne pouvant plus être posées sont enfouies par la psychanalyse, la sociologie, etc. Il appartient aux artistes et en particulier aux poètes, dont les mots ont charge mythique naturelle, de les refaire surgir inlassablement.

Nietzsche, dont on ne peut suspecter le modernisme, disait : « L’art, nous n’avons plus que l’art pour nous aider à supporter la vérité ». Le conflit s’annonce inévitable entre les gens de Verbe et ceux qui voudraient nous enchiffrer pour nous rendre semblables, fonctionnels et soumis. Le nombre croissant des poètes emprisonnés, torturés ou disparus sous tous les régimes témoigne de la nécessité de notre survie. Un monde sans poètes serait désespérément voué à l’ordinateur et aux sociétés implacables qui s’installent un peu partout.

Cela ne m’empêche pas de travailler sur une machine à mémoire qui permet le traitement de texte – même poétique ! Ma poésie ne s’en porte pas plus mal, bien au contraire, mais elle domine ses moyens. »

Yves Heurté en entretien avec Michel Baglin

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