Ce que dit Elsa

« Tu me dis laisse un peu l’orchestre des tonnerres
Car par le temps qu’il est il est de pauvres gens
Qui ne pouvant chercher dans les dictionnaires
Aimeraient des mots ordinaires
Qu’ils se puissent tout bas répéter en songeant

Si tu veux que je t’aime apporte-moi l’eau pure
A laquelle s’en vont leurs désirs s’étancher
Que ton poème soit le sang de ta coupure
Comme un couvreur sur la toiture
Chante pour les oiseaux qui n’ont où se nicher

(…)

Que ton poème soit dans les lieux sans amour
Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid
Comme un air murmuré qui rend les pieds moins lourds
Un café noir au point du jour
Un ami rencontré sur le chemin de croix

Pour qui chanter vraiment en vaudrait-il la peine
Si ce n’est pas pour ceux dont tu rêves souvent
Et dont le souvenir est comme un bruit de chaînes
La nuit s’éveillant dans tes veines
Et qui parle à ton cœur comme au voilier le vent

Tu me dis Si tu veux que je t’aime et je t’aime
Il faut que ce portrait que de moi tu peindras
Ait comme un ver vivant au fond du chrysanthème
Un thème caché dans son thème
Et marie à l’amour le soleil qui viendra. »

Louis Aragon

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