« Écoutez : la nuit parle, la nuit bat
Des poissons d’eau, des peurs, des pleurs, des fleurs inverses
Écoutez votre vie est ici ouverte en deux, elle gémit tout bas
Mettez la nuque sur la route et retenez votre épouvante
Parlez pour vos amis assis en rond
Parlez pour ceux qui roulent dans la nuit
Parlez comme si le monde entier était ici
Réuni sous vos paupières comme devant l’âtre
Parlez pour moi, dites-moi le nom de la peine
Ce sanglot qui humecte les fenêtres des cités
Dites-moi l’escalier sans fin et la colère
Dites-moi votre nom, votre prénom et qui vous aime
Et ce chant muselé par les radios bavardes
Il brille au fond de nos poches comme un canif
Il suinte sur les murs, il bleuit les lézardes
Le chant muselé, le chant toujours, le chant des hommes
Il nous parle de nous, il nous donne nos armes
Il affute les grilles, il ouvre les couteaux
(…)
Il te parle dans ton oreille penchée
Tu lui réponds et ton cœur bat comme un tambour
Les mots vont dans les vaisseaux carmins de la terre
Un bras sur ton bras est posé qui dit écoute. »
Jacques Bertin