Écoutant l’autre voix

« Ce moi pulvérisé est mon moi. Cela se dévide hors de moi, hors de mon ventre. Cela s’envole. Car le parcours est infini. Épuisant parce que tu veux tenir, retenir. Est épuisante l’infinité parce que mort est en toi. Une certaine image de la mort. Son autre versant est neige aussi, est la même infinité. Le peu que s’ouvrent les barrières : tu ne reviens pas entier. C’est le pas gagné. Tu absorbes le froid. Il a démantelé les raisons de ta personne. J’entends bien : personne, ici personne, c’est une multitude de liens, personne au sein d’une multitude de présences. Et il n’y a rien à rassembler. Tout est rassemblé. D’énormes distances sont franchies qui me font m’abandonner. Abandonner cet écran. Moi-écran. Mains-oiseaux dans le froid et le passage et l’éclat. Et la percée du soleil, et l’envol des plumes neigeuses, le rebondissement d’arbres en arbres, écoutant l’autre voix, son éternel regain, sa façon d’essaimer le rien. De m’en éblouir. De me tuer ainsi. Déchire ce bouclier dérisoire ! Alors, de neige en soleil, tu cueilleras l’unique fleur et les voyages s’ouvriront à son parfum de lumière. Le silence revient, il ouvre le ciel. Il porte ce bleu profond que tu es, de toute éternité, toi, l’accroc de ce bleu. Toi, repriseur de bleu. Toi, cousu de bleu. »

Pierre-Albert Jourdan

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