« Le XXème siècle restera dans l’histoire comme l’époque des artistes arrogants, vilipendant le public et prétendant le bousculer dans son conformisme (mais sans que jamais le monde des artistes se soit mobilisé contre le chaubise… cette lutte-là étant moins rigolote, on imagine). Pauvre public ! Il accepte l’insulte. Il marche droit
Sauf que nous avons moins besoin de langages éclatés que de munitions pour affronter la mort, le chagrin, la tristesse, la solitude. La mise en demeure par les artistes, la leçon constamment faite au public, le rappel à l’ordre, cette plaie de la contemporanéité, faudrait que ça cesse ! Il y a à construire de l’homme et de l’amitié. Tout est à refaire. Tout l’humanisme. Toute la foi.
Et puis, enfin, il y a le chant. Non, l’art n’est pas une des branches de la connaissance, non il n’est même pas là pour aider, comme une béquille ou comme une assistante sociale. Il est juste ce qui sort, une vibration, il est un acte des plus humains. Il est la vibration qui à la fois nous lie au monde, nous exprime comme un pleur ou un cri, de joie, de souffrance, un appel à la pitié. Il est enfin l’expression de la vie. Je chante parce que je respire. Mais le chant ! Célébrer le monde par le chant, ou bien y mourir sa détresse, se rassembler en foules autour du chant pour s’y consoler ensemble ! Voilà bien une des raisons de l’art dont on ne parle jamais et qui restera quand toutes les novations, les rebellions et les décalages seront obsolètes comme de vieilles mobylettes jetées dans la nature… »
Jacques Bertin