La voix du livre

« Je supporte très mal maintenant la présence de l’auteur. Il y a des textes où l’auteur est très présent: cela me gêne terriblement… Je crois que la parole de l’écriture est la parole du livre donc une parole qui n’est pas celle de l’auteur. Nous savons qu’en l’écrivant, nous sommes écrits mais nous ne savons pas à quel point nous sommes effacés pour être écrits, et c’est un peu l’expérience du désert. C’est une expérience extraordinaire parce que dans le désert, vous entendez à des kilomètres. Il suffit que vous soyez couché sur le sable pour entendre un bruit de pas. Le nomade vous dira tout de suite s’il s’agit d’un animal ou d’un être humain – il sait distinguer ce bruit et le personnaliser. Mais c’est extraordinaire d’entendre quelque chose qui vient de très loin et puis, tout à coup, une ou deux heures après, de le voir!

L’écoute est très importante mais c’est une écoute qui vient de loin donc d’une absence et c’est comme une écoute dans la mort, finalement: ce qui n’existe pas va exister mais on sait qu’il va exister. Alors il existe puisqu’il se présente à vous, sous sa forme naturelle, mais il a été perçu avant d’être saisi et c’est un peu cela que j’appelle la voix du livre. »

Edmond Jabès (en entretien avec Bernard Noël)
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