« J’appelle poésie
Ce qui surgit quand deux mots se frottent comme des silex
J’appelle poésie
La poubelle au petit matin
Avec son fluide répandu sur le trottoir
Quand par une grâce elle devient augure
Avertit que nous serons tous consommés
Si dès aujourd’hui chacun ne se consume pas pour une flamme dans la nuit
Et quand elle nous montre aussi que la beauté est partout
Même sur elle
J’appelle poésie
Tous les gens que j’ai croisés
Qui ont été mon école
J’appelle poésie
Les sapins noirs
Pliant sans rompre
Comme de géants roseaux dans la tempête de mon cœur
J’appelle poésie
Le disque qui tourne à vide après que le bras ne revient plus
Et sa chanson qui se poursuit pourtant dans le bois de mon crâne
Le mercure
Coulant du thermomètre brisé
J’appelle poésie
Tous mes enfants
Ceux de chair chaque fois qu’ils me quittent, en avant d’eux-mêmes
Ceux que j’ai été, ceux que je me sens encore la force de devenir
J’appelle poésie
L’ami absent, l’amour, le continent sous la feuille morte
J’appelle poésie
Les larmes aux joues de ma grand-mère
Nées d’une fine brise sous ses lunettes noires
J’appelle poésie
La plus petite des choses
Qu’on ne peut voir
Qu’avec le plus petit de nous
J’appelle poésie
Le son de l’automobile
Laissant dans la pluie la trace d’un voyage
Et mon sentier que je parviens de temps à autre à dessiner
D’après nature ou d’au-delà de la mémoire
J’appelle poésie tout de toi
Tout de tout
La mousse sur les toits
J’appelle poésie
La bonne terre qui ride la main du jardinier
La joie de devenir graine
Pour de futurs potagers
J’appelle poésie
Mon moi et mon autre
Jouant à épervier
Jusqu’à la fin de la récréation
La sonnerie finale
J’appelle poésie
Le vin qu’un buisson d’aubépines
A fait ruisseler de ma chair
J’appelle poésie. »
Cédric Migard
Un de tes meilleurs textes. J’ai reconnu ta voix et pourtant c’était neuf. Salutations poétiques 😉
Merci pour le retour, l’ami 🙂