« Chacun dans sa langue ou contre sa langue, les poètes modernes ont témoigné de la perte de l’Autre à l’heure du capitalisme conquérant et du totalitarisme vampirique.
Walter Benjamin nous mit en garde contre la disparition de l’Aura, de la vibration du sens et de l’authenticité dans les objets…
Nous voici dans le monde humain le plus inégalitaire, le plus enclin à l’éphémère, au trivial et à l’archaïque, où l’intérêt personnel ronge les illuminations de la science et le cri vital des poètes.
L’enjeu de la poésie, aujourd’hui, tient peut-être dans sa capacité à rebâtir un rapport à l’Autre qui échappe au déni et au formalisme et se glisse dans les aléas de la mortalité pour resonger la commune absence des hommes au destin du monde et de l’univers. Un rapport à l’Autre qui affronte l’absolue précarité de l’être dans le monde – et sa constante régénérescence puisée à la source des contraires infiniment opposés, indéfiniment complémentaires.
Un rapport utopique à l’Autre, un face-à-face que la parole du poète plonge dans le filtre magique de son regard : pour que je survienne, il fallut que tu existes dans le souffle même qui unit et différencie nos visions, notre dialogue infini.
La communauté reste à inventer. »
Alain Suied