L’histoire est un pré

« L’histoire est un pré

On a bien tout fauché

On a bien tout tassé

Au grenier de la mémoire

Les granges se noient dans les blés

Je ne veux rien oublier

Les bras des ouvreurs de chemin

La vaillance des chevaux

Les maisons blanchies à la chaux

La rivière Famine

Le visage du semeur

La vie frappée au fer

Les baïonnettes mystérieuses

Les nuits incendiées…

La misère à carreaux

Les bretelles sans fusil

Les fronts silencieux

La soumission héréditaire

Les chapeaux de feutre

Sur la tête des hommes

Je ne veux rien oublier

L’égoïne chantante

Les montagnes coupées

Le bois à vendre debout

L’oiseau derrière la vitre

Les couvertures à pointes folles

Et toutes ces choses qui s’envolent

Les faucons tournant au-dessus du fleuve

Les cierges contre l’orage

La poule donnée au diable

Le ciel de la chasse-galerie

La mélancolie de l’accordéon

L’hiver qui tombe du ciel

Les glissades sur la pelle

Les miettes sur la neige

Le temps échappé

Le manque de jour

Le manque tout court

Je ne veux rien oublier

J’habite une légende

Dont je ne connais plus la langue

L’alouette renonce à sa colère

Mais je regarde toujours le feu

Je ne veux rien oublier

Du soleil rose et jaune

Qui se lève à l’est

À tous les étages du gâteau de la noce. »

Christiane Loubier

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