« Au bord de la route, j’ai dit
Mon être et j’ai dit mon néant…
Au bord de la route, je me suis amusé
En piaffant, en sifflant, en parlant.
Au bord de la route, j’ai refusé
De tomber n’importe où, les pieds devant…
L’herbe du ravin a écouté mes chants,
L’herbe du ravin les a répercutés dans les profondeurs…
L’herbe du ravin est mon passage à gué.
L’herbe du ravin ravit les mots de la gaieté.
Au bord de la route, j’ai continué à chanter.
Continué à psalmodier, à parler au ciel béant.
Au bord de la route, je n’ai jamais désespéré
Et j’ai rencontré d’innombrables passants.
Croisé des chevaux, des serpents, des éléphants.
Au bord de la route, j’ai agité ma cloche
Et quand je m’arrêtais, j’écoutais le silence.
J’entendais ce qui se trame sous les pieds.
Et puis je reprenais la route, en chantant toujours,
Tel le vagabond qui s’enfuit du nord.
Au bord de la route, je me suis fait des amis.
Et quand la nuit tombait, je leur parlais longtemps.
J’écoutais toutes leurs histoires de passants…
L’herbe du ravin était mon pain, mon vin.
Je m’y couchais souvent, fourbu de mille chemins.
Mon squelette pesait des centaines de kilos.
Mais, très tôt le matin, je me relevais…
A l’écoute de tous les bruits du lointain.
Chère herbe du ravin, toi qui entends tout…
C’était drôle, parfois, de te voir virer au noir.
Beau, si beau que j’en ai pleuré d’étonnement.
Chère herbe du ravin, tu m’as préservé de la gloire.
Je fais partie, depuis un bout de temps, de tous tes secrets.
J’ai disparu, grâce à toi, hors de tous les sangs.
Porteur de quelques présages,
J’ai lu dans toutes les cartes de la galaxie.
Au bord de la route, j’ai ressuscité l’amitié… »
Alain Jouffroy