Le roman est du domaine de l’invention au sens où Christophe Colomb inventa l’Amérique, au sens où l’archéologue invente l’artefact endormi sous la terre. Inventer est bien le propre de l’écriture de fiction. Inventer, du latin « invenire »: « découvrir », « apprendre », « trouver ce qui est là » mais « qu’on ne savait pas », s’approcher de l’essence même d’une vérité, d’une réalité cachée sous la couche de vernis de ce que nous nommons le réel. A différencier donc de la création qui, elle, consiste plutôt en un travail de fabrication, d’artifice et où, sous les oripeaux de l’imagination et de la virtuosité, les pieds demeurent encore et toujours prisonniers dans le béton du réel. L’un des enjeux de l’écriture réside là, dans ce passage subtil et libérateur de la création à l’invention, d’un mouvement de surface à un mouvement de creusement.
Et je mettrais en parallèle avec ceci un extrait emprunté à L’art du roman de Milan Kundera: « Découvrir ce que seul un roman peut découvrir, c’est la seule raison d’être d’un roman. Le roman qui ne découvre pas une portion jusqu’alors inconnue de l’existence est immoral. La connaissance est la seule morale du roman ».
Cédric Migard