Effacer son passage

En écho à l’article précédent, lequel effleurait la question du point de vue (nécessité pour celui qui écrit de quitter sa position dominante et encombrante d’ « auteur » afin de succomber au « personnage »), une petite citation de Cadou:

« Les traces de la volonté apparaissent toujours dans une oeuvre qui n’est pas entièrement digérée par son contenu. Le client n’aime pas à voir la main de l’ouvrier et lui en fait grief »

René Guy Cadou

Poussant l’idée à son paroxysme (mais en étant, hélas, si peu dans la caricature), j’évoque parfois aux ateliers cette image du metteur en scène foulant les planches en pleine représentation, indiquant au public qu’il y a là lieu de pleurer ou de rire, affichant sa culture, sa sensibilité, son humour, son cynisme, son côté décalé, et profitant également de son passage pour faire savoir qu’il a très bien connu Mitterand ou Machin. Ou encore, le critique monologuant une heure durant et gesticulant de tous ses bras devant l’oeuvre peinte, cette dernière dissimulée dès lors au regard et à une possible rencontre, un éventuel recueillement. Impensable, n’est-ce pas? En littérature, pourtant, cette pratique est omniprésente (et les media bien sûr en raffolent, sinon de quoi parleraient-ils, pas de l’âme quand même!). Tant de livres bourrés de leurs auteurs jusqu’à la gueule, tant de livres où même la plus petite chance n’a pas été laissée à l’écriture…

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