« Est-ce qu’on sait ce qui se passe
C’est peut-être bien ce tantôt
Que l’on jettera le manteau
Dessus ma face
Et tout ce langage perdu
Ce trésor dans la fondrière
Mon cri recouvert de prières
Mon chant vendu
Je ne regrette rien qu’avoir
La bouche pleine de mots tus… »
Louis Aragon
« Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines
Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier Dieu que je t’aime
Je t’aime tant. Je t’aime tant. »
Léo Ferré a-t-il ôté ou remplacé certaines strophes d’Aragon dans sa chanson « Je t’aime tant. »?
Dans quel recueil figure le texte intégral d’Aragon et s’intitule-t-il bien « Mon sombre amour d’orange amère » ?
Ce poème d’Aragon a en effet comme titre original « Mon sombre amour d’orange amère » mais a été référencé dans la version chantée par Ferré sous le titre « Je t’aime tant ». Il fait partie du recueil « Elsa », publié en 1959. La mise en musique a fait l’objet de deux adaptations très différentes, y compris au niveau du texte : celle de Ferré et celle, à mon sens la plus remarquable, de Jacques Douai. Outre Douai et Ferré, Catherine Sauvage (reprenant la version de Ferré) mais surtout Jacques Bertin (reprenant la version de Douai) ont livré deux très belles interprétations de cette chanson ; Jacques Bertin la reprend lors des ses récitals encore aujourd’hui.
Ci-dessous, le texte original dans son intégralité. On remarquera les 3 strophes ayant été retirées dans l’adaptation de Jacques Douai (je les ai mises entre parenthèses), Ferré ayant davantage (trop?) sabré dans le texte :
Mon sombre amour d’orange amère
Ma chanson d’écluse et de vent
Mon quartier d’ombre où vient rêvant
Mourir la mer
Mon doux mois d’août dont le ciel pleut
Des étoiles sur les monts calmes
Ma songerie aux murs de palmes
Où l’air est bleu
Mes bras d’or mes faibles merveilles
Renaissent ma soif et ma faim
Collier collier des soirs sans fin
Où le coeur veille
Dire que je puis disparaître
Sans t’avoir tressé tous les joncs
Dispersé l’essaim des pigeons
À ta fenêtre
(Sans faire flèche du matin
Flèche du trouble et de la fleur
De l’eau fraîche et de la douleur
Dont tu m’atteins)
Est-ce qu’on sait ce qui se passe
C’est peut-être bien ce tantôt
Que l’on jettera le manteau
Dessus ma face
Et tout ce langage perdu
Ce trésor dans la fondrière
Mon cri recouvert de prières
Mon chant vendu
(Je ne regrette rien qu’avoir
La bouche pleine de mots tus
Et dressé trop peu de statues
À ta mémoire)
(Ah tandis encore qu’il bat
Ce coeur usé contre sa cage
Pour Elle qu’un dernier saccage
La mette à bas)
Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines
Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier – dieu que je t’aime
Tant
Merci pour ces précisions, Cédric.