La voix, le mot, la parole

« Mais la voix est une eau captive sous la glace.

 

Seul un mot quelquefois peut passer au travers,

un mot tout simplement qui te va comme un gant,

un mot qui vient du clair et qui retourne au vent.

 

Une parole juste à n’en jamais finir

suffit à t’éveiller à l’autre bout du monde,

mon petit feu d’hiver, ma tulipe à sourires,

ma dormeuse et pourtant la seule qui réponde.

 

Ma voix toute empêtrée dans les caves du corps,

qui vient à moi toujours au travers de moi-même,

toute nouée dans ma peau, ma caresse et l’effort

que fait pour s’échapper cet autre que j’enferme.

 

Voix durable la voix qui sonne elle s’est tue,

légère et qui n’a chaud que de sa vérité,

qui te trouve et te quitte et n’est jamais perdue,

et qui t’attend le soir et dort à ton côté.

 

Voix simple qui ne dit que ce qu’elle aime et nomme,

aussi nue qu’une main toute habillée d’air pur,

qui ne se souvient plus d’être la voix d’un homme,

et qui a tous les jours raison contre les murs. »

Claude Roy

 

 

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