« Je leur écris du fond de la nuit une lettre de neige pour transformer une statue d’ombre en phrases bien visibles. C’est une forme de présence. Je m’enlise dans les lettres mouvantes. Je cherche une étincelle. Je laisse l’encre brûler dans le bois des images. (…) Je rapaille des lambeaux éparpillés de moi, des gouttes d’encre tombées du nid. Depuis le premier souffle, le cœur des mots se vide dans la matière informe. La phrase tend sa main au-dessus des abîmes. Je parle des oiseaux et leurs ailes en delta, des arbres et leurs bottines aux racines bien lacées, des nuages de pluie déchirant leurs habits, de l’eau et de son ventre ouvert, de la mer et des perles dans l’huître. (…)
N’y a-t-il pas de la fiction partout, des ficelles à nouer, des énigmes à résoudre? Toute écriture est apocryphe. (…) J’écris comme on se maquille pour un aveugle. Je puise ma fidélité dans les jours à venir. Je largue la lumière dans la matière inerte. Tant de traces effacées, tant d’étincelles éteintes n’empêchent pas l’espoir. Chaque objet va rejoindre son mot. Un crayon greffé sur une main recompose la chair. J’écris dans l’impossible, dans le lointain ou dans le proche, de la chute à l’envol tel Icare entêté se recousant des ailes. »
Jean-Marc La Frenière