Je me laisse faire

« La poésie ne serait que cela : le javelot qui s’infiltre dans la faille du masque et perce le casque et détraque le samouraï, le chevalier, le justicier — en un mot, le comédien qui nous protège. Et cette lame forgée qui s’enfonce dans la béance, par où pénètre l’odeur de la mer jusque dans la coque confortable où s’endormait le bernard l’hermite. Et ce sursaut de vie qui le prend quand il faut résister. Quand il faut affronter. La lumière. C’est-à-dire : ne plus s’abriter derrière la mesure.

Alors, on peut assister à ce phénomène extraordinaire. L’invention, à partir de ce que l’on croit n’être rien mais qui n’est que la poussière dispersée de tout, l’invention d’une nouvelle coquille. La nacre envahit ma paume ouverte et la recouvre de cette blancheur irisée d’où naissent les perles. Je m’enfonce dans le sable, m’offre à la torpeur tropicale des alizés. Je me laisse faire. »

Christian Erwin Andersen

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