« Nous marchions, réunis-séparés, au gré des brusques détours de la forêt…
Quels foyers, quels devoirs, quels amours avions-nous quittés — nous-mêmes n’aurions su le dire. Nous n’étions, en cette heure, que des voyageurs cheminant entre ce que nous avions oublié et ce que nous ignorions, chevaliers pédestres de l’idéal abandonné. Mais c’est en cela même, comme dans le bruit constant des feuilles craquant sous nos pas que résidaient la raison d’être et le but de notre marche…
Aucun de nous ne se souciait vraiment de l’autre, mais aucun de nous n’aurait continué sans l’autre. La compagnie de l’autre était une sorte de rêve se déroulant en chacun de nous. Le son de nos pas à l’unisson aidait chacun de nous à penser sans l’autre, alors que des pas solitaires auraient provoqué notre réveil. »
Fernando Pessoa