« Dans la cour
Par les champs
A travers les rues
Un vent s’est levé.
Tout le jour
Et même à la nuit tombée
Ce souffle ne s’est pas arrêté
Jusqu’à ce que nous redevenions
La possibilité d’un poème
Jusqu’à ce que nous rompions la frontière
Jusqu’à l’union
La vie creusée
Jusqu’au chemin-fleuve
Jusqu’au point de condensation
Jusqu’à ce que la parole engendre une issue
Un sourire dans la pierre
Une écoute de nos chantiers intérieurs
Un bruit d’ailes parmi les ruines…
Et chaque matin de plus
Chaque soir
Ce souffle ne s’est pas arrêté
Jusqu’à ce que le réveil surgisse
Comme une embuscade
Jusqu’à la consolation du silence
Jusqu’à l’accueil de l’impensé et de la louange
Jusqu’à ce que les ombres rejouent
Avec le chien, l’enfant et la saison
Jusqu’à ce que les mots répondent d’eux-mêmes
Et surtout des vivants
Jusqu’à ce que les routes se dessinent
Dans nos mains, en nos corps
Là où nous pourrions enfin exister et nous en aller…
Des années durant ce souffle ne s’est pas arrêté
Jusqu’à ce que l’aventure se transmette
De monde à monde
Par la goutte d’eau et le pain du jour
Le lichen, l’aboiement et la quatrième personne
Jusqu’à ce que la phrase revienne à sa portion congrue
A l’éclair simplifié
Jusqu’à ce que nous soyons complices
De la mouche, du pétale séché et de la poussière de craie
Précipités au fond du temps
Convoquant l’éternité sur un rebord de fenêtre…
Fidèle, obstiné, ce souffle ne s’est pas arrêté
Jusqu’à ce que notre regard exorcise
Ce réel possédé par un diable aveugle
Jusqu’à ce que la neige tombe, tournoie
A chercher la vie entre rien et tout
Jusqu’à ce qu’une branche
Suffise pour témoigner
Du bréviaire des oiseaux
Qu’un bâton d’écriture
Navigue dans la plus petite rigole de pluie
Avec le sentiment d’un chant lointain…
Non, ce souffle ne s’est pas arrêté. »
Cédric Migard