« Je ne veux pas dresser le cadastre de ces contrées, ni rédiger leurs annales : le plus souvent, ces entreprises les dénaturent, nous les rendent étrangères ; sous prétexte d’en fixer les contours, d’en embrasser la totalité, d’en saisir l’essence, on les prive du mouvement et de la vie ; oubliant de faire une place à ce qui, en elles, se dérobe, nous les laissons tout entières échapper. J’ai pu seulement marcher et marcher encore, me souvenir, entrevoir, oublier, insister, redécouvrir, me perdre. Je ne me suis pas penché sur le sol comme l’entomologiste ou le géologue : je n’ai fait que passer, accueillir. J’ai vu ces choses, qui elles-mêmes, plus vite ou au contraire plus lentement qu’une vie d’homme, passent. Quelquefois, comme au croisement de nos mouvements (ainsi qu’à la rencontre de deux regards il peut se produire un éclair, et s’ouvrir un autre monde), il m’a semblé deviner, faut-il dire l’immobile foyer de tout mouvement ? »
Philippe Jaccottet
« C’est celui qui croit le réel saisissable qui est le plus éloigné de le saisir. »
Philippe Jaccottet