« Je vis et je perçois par métaphores, par associations, par images, c’est comme une maladie que j’ai, c’est ma maladie et c’est ma santé. À la seconde où je vois une chose qui me touche, elle fait venir, dans mon cerveau, une autre chose d’un autre domaine, qui l’éclaire. Puisque nous sommes en automne, je vais vous donner un exemple un peu banal, mais je n’en trouve pas d’autre, pour l’instant. Un marron, la bogue d’un marron, cette sorte de porc-épic, voyez, il y a déjà une image, facile, qu’on peut tous avoir, cette sorte de porc-épic contient le bijou brun doré, à l’intérieur de la bogue du marron, c’est velouté, lisse, l’œil le voit et la main, le doigt qui passe dessus, l’éprouve aussi et le marron lui-même, quand il est sorti, tout neuf après sa chute sur le sol, il a le brillant d’un petit soulier d’enfant ou de poupée. Vous voyez ? Et je vois ça comme ça. Je ne cherche pas les images, elles viennent à moi, moi je suis juste le rassembleur, leur assembleur. C’est plus fort que moi.
Souvent, je ne vois rien, distraction, absence… mais quand une vision vient, ce n’est pas moi qui en décide, je n’invente rien, il y a un domaine qui vient. Je crois beaucoup à ces échanges. Et, de même entre les vivants et les morts, et de même entre les absents et les présents… »
Christian Bobin (en entretien avec Christine Pedotti et Sophie Bajos De Hérédia)