« C’est ici le pays de ma chaise. Entre les murs d’une patience qui cherche doucement. J’y vais comme à une source intarissable, secrète, accroupie dans le creux de l’instant et que mes mains explorent en écartant la bruyère des pages blanches…
Attendre la petite mort éblouie du premier mot, du premier trait, la syncope des gestes pour qu’enfin un peu de regard me revienne, et surtout ne rien faire qu’attendre, attendre encore jusqu’à ce qu’advienne quelque chose dont je ne décide rien…
Dans le cercle de mes pupilles, j’invite, depuis la fenêtre qui me scrute, toutes les ombres de ma façade : le toit ardoise de la ferme d’en face, les poubelles alignées comme des saintes devant le monastère de la route, le chien noir et le chien blanc, le fils du fermier et son quad, le triangle jaune, noir et rouge Attention Travaux posé devant le mur de sa ferme, la haie desséchée par l’hiver, les deux coqs roux et le coq gris au cul de la poule blanche, l’ombre de ma maison sur la pelouse indifférente, un peu de vent sur tout ça juste pour dire que ça bouge. Convoquant une à une ces présences, je me reconnais vivant une fois de plus.
C’est peut-être tout cela écrire, se réconcilier, accueillir…
L’écriture est la salive de l’éternité. »
Dominique Sampiero