« C’était un après-midi d’été, je marchais dans la forêt, mon dos était en sueur. Des pylônes traçaient leurs lignes d’écriture. Une digitale pourpre s’est retirée dans la pénombre comme une bête. Elle m’a suivi des yeux. Mon dos durcissait, devenait une planche à pain. J’ai pris le chemin sur la droite et c’est arrivé : trois seigneurs blancs dans le ciel bleu. Trois nuages qui me regardaient, qui étaient moi. Plus de corps, enfin. Juste une vapeur d’âme errant dans le bleu… Le soleil m’enfonçait ses clous dans le crâne. Les nuages silencieusement parlaient. Je les regardais comme on dévisage une brute. J’étais devant la source d’écriture…
Je ne vis que pour quelques éclairs imprévisibles : un arrachement, quelque chose qui plonge sa main dans ma poitrine et en sort, trempé de lumière, un nuage, un poème. »
Christian Bobin