L’aurore des choses

« La poésie se fait dans un lit comme l’amour

Ses draps défaits sont l’aurore des choses

La poésie se fait dans les bois

Elle a l’espace qu’il lui faut

Pas celui-ci mais l’autre que conditionnent

L’œil du milan

La rosée sur une prêle

Le souvenir d’une bouteille de Traminer

Embuée sur un plateau d’argent

Une haute verge de tourmaline sur la mer

Et la route de l’aventure mentale

Qui monte à pic…

Les bancs de poissons, les haies de mésanges

Les rails à l’entrée d’une grande gare

Les reflets des deux rives

Les sillons dans le pain

Les bulles du ruisseau

Les jours du calendrier

Le millepertuis…

Le sens du rayon de soleil

La lueur bleue qui relie les coups de hache du bûcheron

Le fil du cerf-volant en forme de cœur ou de nasse

Le battement en mesure de la queue des castors

La diligence de l’éclair

Le jet des dragées du haut des vieilles marches

L’avalanche…

Les figures de danse exécutées en transparence au-dessus des mares

La délimitation contre un mur d’un corps de femme au lancer de poignards

Les volutes claires de la fumée

Les boucles de tes cheveux

La courbe de l’éponge des Philippines

Les lacets du serpent corail

L’entrée du lierre dans les ruines.

Elle a tout le temps devant elle

L’étreinte poétique comme l’étreinte de chair

Tant qu’elle dure

Défend toute échappée sur la misère du monde. »

André Breton

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