A l’aune du silence

« Le poids des mots se mesure à l’aune du silence. »

Laïla Cherrat

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A côté de moi

« Dans cette clairière

Tu t’es couchée à côté de moi

Comme on arrive quelque part

Après un long voyage qu’on ne raconte pas.

La terre sous nos têtes avait ce son mat

Pour dire : c’est ici.

Loin de tout littoral,

J’ai senti avec mes doigts que la mer s’inventait pourtant dessous ta peau.

Je n’ai plus bougé, de peur qu’elle se retire.

Pour ne pas déranger les vagues, j’ai respiré calmement ;

Mon épaule n’était que rivage.

Nous n’étions que deux corps qui ne prétendent à rien,

Deux silences semblables.

Et toi, comme une lectrice,

Tu tournais les pages en moi,

Lentement,

Pour laisser dans son sommeil l’histoire rêver encore un peu. »

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Le détour

« Le détour est consubstantiel au poème. »

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D’abord la voix

« D’abord la voix. Le texte doit tenir dans sa voix. Tenir en entier. »

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Parler de ton royaume

« Tu es noble comme un fragment de charbon
Une parcelle d’ardeur de cette terre
Dire ta beauté n’est pas dévoiler ton secret.

Tu es douce comme un morceau de lune
Qui ce soir éclairait ma route.
Tu as soufflé sur mon courage.

Tu n’es pas lourde comme la vérité
Tu n’as pas l’insistance de la soif.
Tu n’as dit à personne : voilà ce qu’il faut être.
Tu n’as pas torturé l’aveugle avec le regret de la lumière.

Ta richesse est simple comme la pauvreté.
Chargé de chaînes, de secrets
Bloqué par un silence de neige, je connais la liberté.
Je sais ce que c’est d’être riche.

Si l’on tremble d’espoir sous la glace et la boue
Si l’on vit et respire sous des ruines et des ruines
Si l’on ouvre les yeux sans crainte d’être aveugle
Bien que la nuit trop noire empêche de rien voir
Je connais un plus beau refuge.

Dire ta chaleur n’est pas dire si tu existes
Dire qui tu es n’est pas divulguer où tu es.
Mais voilà que ton absence ne peut plus changer ma force en maladie

Et voilà que je m’enhardis
à parler de ton royaume. »

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Une pensée qui tombe

« La neige est une pensée
qui tombe, un souffle continuel
d’ascensions, de boucles, de spirales,
de plongeons dans la terre
comme de blanches lucioles
désirant se poser, prises
dans la bourrasque
entre les maisons,
plongées comme des mites
dans leur propre lumière,
comme un qui s’étonne
que la neige soit une longue mémoire
d’aile qui traverse l’hiver. »

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Tout est prétexte

« Ils méditent comme il convient de méditer,

Conformes aux rituels

Du bon petit guide brahmanique, chrétien, soufi ou kabat-zinniesque,

La notice pliée en quatre dans leur poche

Et leur silence qui dit je fais de mon mieux.

Ils ont l’air appliqué, presque studieux,

Comme s’ils récitaient la table de multiplication du calme.

Ils ne savaient pas qu’on pouvait méditer

Sans maître, sans protocole et sans mantras,

Comme on écrit quand le stylo décide d’aller où il veut,

Un peu de travers,

Ainsi que le glaneur d’une histoire…

Ils écrivent, très sérieusement, comme il convient d’écrire,

Dans la lignée des cercles littéraires et des écoles.

Ils ne savaient pas qu’on pouvait écrire

Ainsi que l’on peint,

Par accident, quand la couleur déborde

Et qu’on laisse faire parce que c’est beau,

Parce que ça respire,

Caressant du pinceau la pierre comme une écorce

Jusqu’à en extraire son brou de noix,

Jouissant des visages aux yeux d’huiles et de clairs-obscurs…

Ils peignent évidemment d’une manière très correcte,

Selon les lois de la perspective ou le concept.

Tout tient bien debout

Comme un tabouret qui a toutes ses vis.

Ils ne savaient pas qu’on pouvait peindre

Comme on se perd exprès dans les taillis,

A fabriquer parmi les arbres des cabanes juste avec les yeux,

A oser franchir l’enclos du taureau,

A chercher un trésor qui a peut-être existé

Dans les éboulis d’une étable…

Ils se baladent

Comme il convient de se balader,

Pour la santé, la détente ou le dépaysement.

Ils ne savaient pas qu’on pouvait se balader

Ainsi que l’on médite,

Avec l’oreille très musicale du coquillage, du récitant,

Au diapason d’une houle profonde,

D’une mer battant les rivages…

Ils méditent comme il convient de méditer.

Ils ne savaient pas qu’on pouvait méditer

Ainsi que l’on jardine,

Que l’on prépare la terre, émonde le rosier,

Que l’on se douche de pétales de cerisier,

Que l’on s’enfonce en riant dans le chuchotis des herbes…

Et cætera… Et cætera… Et cætera…

Ils ne savaient pas que tout est égal et communiquant

Pour qui avance avec son langage premier.

Ils ne savaient pas que tout est prétexte.

Ils ne savaient plus jouer. »

Cédric Migard

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C’est ici

« C’est ici qu’on recommence mot à mot tous les murmures de bêtes et de ciel mêlés aux rêves des hommes, en suppliant le silence de s’incliner dans les hautes herbes.

C’est ici la jouissance sans corps dilatant les pupilles et le souffle.

Rester assis, des heures, devant la table en châtaignier, et perdre la notion du temps, de l’espace, comme devant une porte à moitié ouverte et qu’on n’ose pas franchir, deviner la chaleur du rai de lumière de l’autre côté et la danse des particules, là où je ne sais plus rien ni du visible ni de l’invisible, ni même du sens de ma présence ici…

C’est ici le pays, une promenade à l’envers dans la promenade. »

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