« Il gît dans ses cendres ses ruines
Renâcle à reconnaître
l’étendue du ravage
Le silence est total
Moins compacte la nuit
mais elle oppresse
Çà et là des foyers se rallument
Un air frais baigne
son visage lézardé
Des mots brefs sont prononcés
d’une voix nette
Ils alertent et excitent
cet œil nouveau qu’il se découvre
Ordre lui est donné
de clarifier aiguiser
amplifier sa vision
Il se dresse
fait ses premiers pas
Avance avec précaution
Marche bientôt à vive allure
La soif continue de le brûler
Mais cette ténèbre
et ce silence et cette solitude
ne lui sont plus à charge
Ses peurs l’ont quitté
Une force intacte lui est venue
Un instinct le guide
Le conduit avec sûreté
là où il sait qu’il doit se rendre
Il marche sans hâte
quoiqu’à un rythme soutenu
La voix se fait plus proche
Son murmure n’a plus de fin
La nuit s’allège
L’œil n’a d’autres besoin
que de fouiller en lui-même
Sa progression se poursuit
Il traverse d’immenses contrées
retrouve des bois des vallées
S’abreuve parfois à une source
Oubliés le pays où il est né
les chemins de traverse
les mots d’avant
Il prend soudain une poignée de terre
en emplit sa bouche
Sur le champ
il sent sa sève s’éveiller
envahir ses sillons
l’initier au secret des racines
Monte en lui une lointaine lueur. »
Charles Juliet